22 Aug
Le Courrier de l'Ouest - Jordan BOUTON - 16/10/2019


De 1973 à aujourd’hui, Jacques Petiteau n’a connu qu’un seul club, Angers-SCO. Une fidélité rare, qui l’a vu occuper quasiment tous les postes. De joueur à entraîneur, en passant par le recruteur. Retour sur une vie en noir et blanc.

L’enfance à Vern d’Anjou

L’histoire commence par une correction. Jacques Petiteau, regarde des notes qui traînent sur un bureau. Il faut corriger ma bio. Je ne sais pas pourquoi c’est écrit que je suis né à Trélazé. Ça été marqué une fois sur un site, depuis tout le monde le reprend. Je suis de Vern-d’Anjou, né à Vern-d’Anjou. La correction faite, c’est donc au nord-ouest d’Angers que Jacques Petiteau grandit. Une famille qui vient de la terre. Une famille de footeux, surtout. Mon père était un bon footballeur, mais il est resté à Vern toute sa vie. Ma mère suivait beaucoup aussi. Pas étonnant, donc, de voir Jacques Petiteau, très tôt, avec un ballon à la main et dans les pieds.                                                                                                   Les souvenirs sont brouillés, mais il commence le football vers 8 ou 9 ans. Le jeune homme montre rapidement l’étendue de ses qualités sur le front de l’attaque. Si bien qu’en cadets, il est sélectionné en équipe du Maine-et-Loire, puis avec celle de la Ligue Atlantique. Cela a été un déclencheur. Je jouais avec des gars de Nantes comme Bossis ou Amisse. Avec ses sélections, tu es un peu suivi et regardé. Des clubs l’approchent. Rennes tout d’abord, mais Petiteau décline. Viendra ensuite le SCO. Je n’étais pas un carriériste, dans le sens où je ne me disais pas « je veux absolument jouer là-bas », mais c’était notre club. C’est le SCO quoi… L’histoire est en marche.

Le SCO, du haut de Mongazon

Avant d’être approché par le club angevin, Jacques Petiteau lui vouait déjà de l’affection. Il n’était pas débordant, mais il existait. Je n’étais pas pour un club en particulier. Je n’avais pas d’idole. J’étais un peu « tout football ». Son oncle jouera un rôle important. Homme à tout faire du lycée Mongazon, jouxtant le stade Jean-Bouin. Une fonction dont il va profiter. L’été, quand les élèves n’étaient plus là, on montait dans les dortoirs. On avait une vue sur le stade. J’ai vu mes premiers matchs du SCO d’une fenêtre, c’était génial.                                                                                                                                                 Un autre souvenir, assez flou, d’un match en tribune cette fois : C’était un match du SCO contre Marseille. Sur la pelouse, il y avait Deloffre, Dogliani, Poli. Les tribunes étaient pleines. Il ne savait pas encore qu’il serait, lui aussi, un jour avec ce maillot, sur cette pelouse.

Roger Bélo, l’homme de base

1973 est une année tournant pour Jacques Petiteau. Il est alors junior, enchaîne les convocations et les capitanats avec les sélections de jeunes. Présélectionné avec l’équipe de France junior, il ne portera jamais le maillot bleu. Roger Bélo, alors directeur sportif du SCO s’intéresse à son profil. Une rencontre autour d’un terrain, puis une autre, au domicile parental. À la fin de la saison 1972-1973, Petiteau fait un stage avec le club angevin. Autour de Ladislas Nagy, l’attaquant se montre. Il signera sa première licence, en junior, quelques jours plus tard. Il a alors 18 ans.                                                                         Diplômé en parallèle d’un BEP CAP Comptable à Segré, le néo-Angevin intègre le milieu de la banque, à la BNP. Comme je n’avais pas de plan de carrière, c’était important pour moi d’avoir un travail. Histoire de rester très terre à terre avec la vraie vie. Il ne quittera jamais le SCO. Il ne quittera jamais non plus la BNP. Une histoire de fidélités.

« Si on n’était pas venu me chercher… »

L’histoire, qui n’est toujours pas terminée, a pourtant failli tourner court. En junior, le gamin s’éclate, mais ne découvre pas pour autant le niveau d’au-dessus. Je n’ai jamais fait de match en réserve, se rappelle-t-il. Je n’ai même pas fait d’entraînement avec eux. Pendant ce temps-là, ses camarades Janin, Augustin ou encore Ferri font eux des piges dans l’équipe 2.                                                                       À l’été 1974, la question d’un arrêt se pose. J’étais un peu déçu… Le sort change la donne. Le SCO reprend sa saison de Division 1 et un match en lever de rideau est organisé. Problème, il manque des joueurs. Michel Gohier, originaire, comme lui, de Vern-d’Anjou et membre du club angevin pense alors à Jacques Petiteau. J’étais tranquillement à la piscine de Vern. En vacances… Il est venu me voir et m’a demandé si je voulais jouer un match le soir. J’ai dit oui. C’était toujours sympa de jouer ! Sous les yeux de Pierre Bourdel, destiné à prendre en main l’équipe réserve, Petiteau brille et marque d’une reprise de volée imparable. J’ai marqué un but que je n’ai jamais remis ensuite rigole-t-il. Bourdel, impressionné vient le voir à la fin de la rencontre. Il ne savait pas qui j’étais ! Je lui ai raconté mon parcours… Et il m’a dit de venir la semaine suivante, pour la reprise de l’entraînement de la réserve.                                       Sans ce match, impossible de savoir ce qu’il se serait passé. Petiteau ne le sait pas non plus. Si on n’était pas venu me chercher… Je dis toujours que pour des gamins comme Mbappé, qui ont un talent fou, il finit forcément par se montrer. Mais pour des joueurs comme moi, il faut montrer des qualités, mais il faut aussi une part de chance.

Les premiers pas avec les pros

Très vite, le banquier – attaquant se montre avec l’équipe réserve. Pancho Gonçalez, devenu entraîneur des pros, regarde attentivement l’évolution de ce jeune joueur. En décembre 1974, Petiteau, l’amateur, se retrouve avec l’équipe pro. « Partir à Lyon, contre Domenech, Lacombe ou Di Nallo… Ça aurait pu être stressant, mais je ne le suis jamais. Pour moi, c’était une aventure. Il découvre alors un groupe qu’il ne connaît que très peu. « Ils ne me connaissaient pas. J’étais amateur et je prenais la place d’un pro… Je sentais les regards sur moi. Mais pas de pression : Si ça marche, c’est bien, sinon ce n’est pas grave, je retournerai à mon travail à la banque. Il côtoie dans cette équipe Jean-Marc Guillou, le plus grand joueur angevin, selon lui. C’était un joueur incroyable.                                                                                 Les convocations s’enchaînent. Petiteau joue son premier match à domicile avec les pros la semaine suivante, contre Rennes. Un match particulier, puisque ses parents sont en tribunes. C’était la première fois, et finalement la dernière, qu’ils sont venus me « voir jouer ». relate Petiteau. Il met des guillemets car ses parents arrivent en retard au stade et manquent les premières minutes du match. Le temps pour Petiteau de se faire une entorse de la cheville. Au final, ils ne m’ont jamais vu sur un terrain s’amuse l’attaquant. Peu importe, il s’installe avec le SCO. Capitaine de la réserve, joker de l’équipe première. Petiteau oscille entre les deux niveaux. Toujours avec le même plaisir. Toujours avec la même envie. Toujours avec le même maillot. Je n’ai jamais voulu aller jouer ailleurs. Le SCO est devenu mon club.

Le refus du professionnalisme

L’anecdote de la blessure face à Rennes le fait sourire. Mais elle a été, aussi, un fait marquant pour la suite de sa carrière. C’est à ce moment que je m’aperçois qu’une carrière de footballeur, c’est précaire. Il prend alors une décision quasiment impensable de nos jours. Quand j’ai découvert les pros, les dirigeants se disaient que j’étais peut-être un joueur à potentiel. Très rapidement, ils m’ont proposé un contrat pro. Il refuse, sans hésiter.                                                                                                                 L’arrivée de Vasovic, en cours de saison clôt le débat. Il était carré dans sa manière de fonctionner. Très professionnel. En quelque sorte, il ne pouvait pas utiliser des joueurs comme moi. Le contrat pro mis de côté, mais pas sa carrière. L’employé de la BNP jouera toujours pour le SCO. Il sera même le capitaine indéboulonnable de l’équipe réserve, assurant des piges avec les « grands » Il l’assure, il n’a aucun regret. Les carrières tiennent sûr un fil. Je pense que le monde pro n’était pas pour moi. Ce n’est pas la vraie vie.

Marseille, Nantes et les « Bleus »

En 1978, Jacques Petiteau fait son retour avec le SCO, en Division 1. Une année qui a compté puisque le 31 juillet 1978, il devient papa pour la première fois avec la naissance de son fils. Quelques jours plus tard, après avoir effectué la préparation avec le groupe pro, il s’envole pour Marseille, en avion. C’est la première fois que je prenais un avion privé comme ça. On partait encore d’Avrillé ! On part le matin et j’ai dormi chez moi le soir. C’était très très rare à l’époque.                                                                         Une victoire 3-0. Petiteau joue tout le match. A la sortie du stade, on avait les motards qui étaient là pour nous. On a remonté la Canebière en sens inverse. Ce sont des petits détails qui marquent. Restera de cette rencontre la victoire, forcément et le Vélodrome. Il peut y avoir 50 000 personnes qui me sifflent, ça ne me gêne pas. C’était beau, car on gagne ! À la suite de cette rencontre, le sélectionneur de l’équipe de France amateur le remarque. Il est même présélectionné pour les Jeux olympique de Moscou, en 1980. La France boycottera finalement cette édition. La chance est passée. Faire les JO, à Moscou ou autre part, ça aurait été le summum.                                                                                         Il poursuivra une partie de la saison avec cette équipe, dont une mémorable défaite 5-0 à Nantes. J’avais dû prendre mon après-midi pour jouer ce match, j’ai travaillé le matin. J’ai travaillé le lendemain.

1989, la transition

Quand je travaillais, j’étais à fond dans mon boulot. Mais une fois que c’était terminé, j’étais à fond dans le club. En tant que joueur, ensuite dans mes autres fonctions, j’avais le SCO ancré en moi. La carrière de Petiteau, le joueur, prend d’ailleurs fin en 1989. Il joue ses derniers matchs avec l’équipe 3. Dans la même saison, il commence sa nouvelle histoire avec le club angevin.                                                         Il devient entraîneur de cadets nationaux. Pas vraiment une vocation, mais un chemin logique pour celui qui a toujours été capitaine. Je n’avais pas de diplôme, ni de perspectives. Cependant, sur tous les entraînements, j’analysais les exercices, le pourquoi, le comment, les discours des entraîneurs. J’avais une démarche d’esprit.                                                                                                                                   Après plus de 600 matchs à la louche, car je n’ai jamais compté sous les couleurs du SCO, il endosse un nouveau costume. Les diplômes en poches, il repart sur un cycle de près de 15 ans, sans regret, toujours. J’ai fait de nombreuses fois le tour de la Terre en car ! Je suis content de ma carrière de joueur. Ensuite, les autres ont pensé à moi pour être entraîneur… Et effectivement, c’était bien aussi.

« Dans deux-trois ans, vous verrez, ça va changer… »

Il prend alors son rôle d’entraîneur à bras-le-corps. C’était encore plus exigeant qu’avant. J’étais vraiment investi. Avec les cadets nationaux, pendant deux ans, puis les U13 sur la même durée. Suivront les U17, puis enfin les U19 nationaux. Le tout dans une période de tempête pour le SCO. Les présidents et les entraîneurs des grands passent, lui reste. On travaillait dans des conditions… Souffle-t-il. Avec les U19 nations, on faisait des miracles tous les ans. On bossait sans les moyens d’aujourd’hui. J’ai réclamé des moyens, comme pour les terrains. Ce n’était pas la Baumette de maintenant. Parfois, il y avait des gens sur nos terrains, alors qu’on avait les créneaux. Il fallait tout gérer. C’étaient des années compliquées. Mais le désormais formateur ne lâche jamais son club, sa maison. Il propose même des plans de la Baumette à ses dirigeants. Des plans restés lettres mortes.                                                       En parallèle, il s’occupe du recrutement. Quand je voulais recruter un joueur, je le faisais venir avec ses parents, et quand je leur faisais découvrir les installations, je passais vite, très vite (rires). Je ne vendais pas du rêve. Je leur disais « ça va changer, dans deux trois ans ». Il y avait toujours des projets… Et puis, pour être honnête, la vitrine n’était pas forcément belle… Une période délicate, mais il ne serait parti pour rien au monde. C’était des prises de tête, mais c’était passionnant. Nous, on faisait de notre mieux. L’instabilité du dessus nous pénalisait. Quand tu n’as pas de moyen, et mauvaise image… C’est compliqué. Le tout, sans réelle politique sportive. On visait juste le maintien.

Brisset, Moussi, Savidan et le centre de formation

Ses U19 nations connaissent deux descentes en région, pour des remontées immédiates. De ce temps, il garde tout même le souvenir de quelques joueurs. S’ils n’ont pas marqué l’histoire du SCO en tant que tel, Petiteau réussi à en former pour le haut niveau.                                                                                     Parmi eux, il y a Mickaël Brisset. Son bras en moins ne le gênait pas. Il aurait pu réussir une plus belle carrière. Il garde aussi l’exemple de Guy Moussi. On devait faire signer quelques contrats, et lui n’en faisait pas partie. Il y avait toujours un doute sur lui. Je disais toujours : « Il a quelque chose, mais… » Il n’était pas tape à l’œil. Le jour de sa détection, je le vois et je me dis qu’il est pas mal. Le détecteur ne voulait pas le prendre. On le fait revenir en fin de saison et je valide sa venue. Il faut avoir l’œil parfois. Et puis il y a eu Steeve Savidan. C’est un joueur atypique. Il avait tout, il frappait fort, il était explosif, une grosse détente… Mais il devait se mettre du plomb dans la cervelle. Je l’ai revu après, il était métamorphosé.                                                                                                                                             Fort d’un bilan plus que convenable au regard des moyens à disposition, Petiteau refuse une deuxième fois la professionnalisation, en laissant le poste de directeur du centre de formation à Philippe Mao. Je ne voulais pas lâcher mon travail. Il fallait un employé à plein temps. Je sais que c’est un milieu de paillettes. Je voulais la stabilité d’abord. Si le club voulait progresser, je me disais qu’il pouvait prendre quelqu’un d’autre que Petiteau. Malgré tout l’amour que j’ai pour ce club.

2004, la rupture avec le terrain et des petits regrets

Lassé de l’immobilisme du club angevin, de la bricole en permanence et de fait, du manque d’ambition de son club, Jacques Petiteau claque la porte des terrains. En 2004, la carrière d’entraîneur s’arrête après 15 ans. À un moment donné, malgré tous les problèmes, ça ne bougeait pas.                                         Impossible pour autant, pour cet amoureux du SCO, de s’arrêter là. Il propose alors de créer une cellule de recrutement pour les plus jeunes. J’avais deux gars en Loire-Atlantique, et un sur Paris. Le problème c’est qu’on voyait les mêmes joueurs que les autres… Face à Rennes ou Nantes, c’était impossible de faire le poids. Il passe notamment à côté de Léo Dubois, international français passé par Nantes, aujourd’hui à Lyon. On était dessus en premier. On devait le faire signer, mais Nantes est arrivé à ce moment-là… Avec lui, j’étais sûr et certain qu’il avait tout pour faire une carrière. C’est rare, mais pour lui, je savais. L’autre regret est de ne jamais avoir pu exercer ce rôle de recruteur pour l’équipe pro. J’aurais adoré faire ça. Parcourir la France, ou l’Europe. Avoir les moyens d’aujourd’hui pour le faire. On me l’a jamais proposé, et je n’ai jamais rien réclamé.

Son SCO à lui, maintenant

Toujours présent dans l’association, Jacques Petiteau n’est plus le référent du recrutement jusqu’en U14. Mais il apporte toujours sa pierre à l’édifice. Tous les samedis, je vais sur les terrains pour voir des jeunes joueurs. Le tout avec un regard sur le SCO d’aujourd’hui. Un SCO métamorphosé par rapport à son époque. Avant, on faisait des journées découvertes. Il y avait des gens qui ne savaient même pas jouer au foot. Maintenant, les bons joueurs viennent d’eux-mêmes. Enfin, on est dans un vrai club pro. À 64 ans, comme tout au long de sa carrière, Petiteau n’aime pas regarder en arrière. Et ne pense surtout pas à la retraite dans son club de toujours.                                                                                       Je n’ai jamais de regret. Quand j’ai arrêté de jouer, on m’a dit que ça serait compliqué. Je suis passé sur autre chose. Pareil pour le poste d’entraîneur. Je ne regarde pas en arrière. Il ne souhaite qu’une seule chose, pour le jour de son arrêt définitif. « Le jour où je vais arrêter, je veux juste qu’on reconnaisse que j’ai beaucoup donné pour le club. Juste ça, rien de plus. Je n’ai pas de limite. Je voulais être dans le club au moment des 100 ans. C’est maintenant fait. Les 100 ans sont là, et je prépare déjà la saison suivante. La 46e licence est donc déjà dans les tiroirs. Au moment de conclure, il ajoute un dernier mot. Emplie de sincérité. Le SCO, c’est une grande partie de ma vie. C’est « mon » club. Je ne sais pas si j’ai tout fait tout bien au cours de ma carrière, mais j’espère avoir fait au mieux


RÉSUMÉ de Jacques PETITEAU :

8 matches de championnat joué pour le SCO (1 but)                              

Toujours fidèle au SCO depuis 1974.

Après avoir entrainé différentes équipes de jeunes du SCO de 1988 à 2004, il s'est occupé de leur recrutement et est, à présent, recruteur de l'équipe première.

N'a jamais voulu signer de licence professionnelle et travaillait comme employé de banque à la BNP

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